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mercredi 30 novembre 2011

QUE TON REVE SOIT NET

QUE TON REVE SOIT NET !
 
Que ton rêve soit net et que la perplexité soit bleue,
Qu’il n’agite pas ton esprit, comme les feuilles d’automne voltigent à terre.
Vis libre et fort, selon ton âme
Sois dans la forêt de la vie, un arbre vert aux fortes racines.

Ne laisse pas ton cœur aller à l’eau pour des faits accidentels,
Va vers ton but, comme le fleuve vers la mer !


                                                            Archag TCHOBANIAN (1872-1954)
                                                            Traduction Louise Kiffer

mardi 29 novembre 2011

SOUVENIR

SOUVENIR
 Qu’y avait-il dans ce café arménien ?
La forte odeur du café,
Quelques tables,
Deux jeux de trictrac,
Et des vieux
Qui effilochaient un feutre paresseusement
Et avec une grande patience.
Moi je courais là pour ramener
Avec moi mon grand-père,
Ou m’asseoir sur les genoux d’autres grand-pères,
Ou tirer quelques fils de leur feutre
Et craintivement… un peu
Boire une gorgée de café.
Mon grand-père disait :
" Si tu bois du café, tu deviendras un garçon …"
Aujourd’hui le café d’autrefois n’est plus là,
Il n’y a plus les vieux qui y buvaient du café,
Et il n’y a plus cette petite fille –
Car dans les anciens cafés arméniens,
Les femmes jamais…ne buvaient de café …
 
                                                  Sevda SEVAN (1945-2009)
                                                   Ecrivaine bulgare
Traduit du bulgare en arménien par Kévork Emin
                                                  Traduit de l’arménien par Louise Kiffer
  
Je rappelle le texte émouvant de Sevda Sévan "  Ils marchaient dans le désert "
dans le site
Sevda SEVAN (1945-2009)
:
www.imprescriptible.fr/dossiers/sevan/babel

dimanche 27 novembre 2011

J'AI TOUT PLEURE

Dors, mon enfant, retourne dormir.
Tu n’as pas besoin de pleurer maintenant
Tu n’as pas besoin de verser des larmes maintenant
J’ai assez versé de larmes pour nous deux
Retourne dormir.
Les oies sauvages aveugles qui volaient dans les cieux noirs
vers notre maison, ont pleuré.
Elles ne pouvaient pas voir les cimes des montagnes à traverser.
Tu n’as pas besoin de pleurer
Tu n’as jamais besoin de pleurer.
Le vent gémissait dans les arbres ;
Tu n’as pas besoin de pleurer
J’ai tout pleuré.
Le vent gémissait dans les arbres
Pour nos morts sans sépulture
Tu n’a pas besoin de pleurer, nous avons tout pleuré.
La caravane qui passait, si triste, si lente,
Campait dans la Forêt la plus sombre
Il n’y a rien à faire…
On l’a nommée Calamité
Elle s’appelait MALHEUR ;
Tu n’as pas besoin d’être en deuil.
J’ai assez pleuré.


                                          Avédis AHARONIAN (1866-1948)

                                          Traduction Louise Kiffer

vendredi 25 novembre 2011

LE CHEMIN DE MON VILLAGE

Le vaisseau de la vie n’a pas laissé de traces dans son sillage,
L’oubli m’a pris toutes choses,
Mes anciens rêves disparaissent comme des nuages
Le souvenir passe aussi comme un chant.
* * *
Mon âme pourtant se souvient de toi,
Ô chemin fleuri de mon village
Où nous marchions, mon agneau et moi,
Vers le bosquet et le jardin de fleurs,
Comme le rêve de l’innocence.
A côté de toi, frémissant,
Glissait le joli ruisseau limpide,
Tantôt sous le pont, tantôt par le pré ;
Se cachant dessous, il s’éloignait,
Comme l’esprit de la solitude.
Minces, quelques maigres sentiers
Se séparaient de ton axe étroit :
L’un se dirigeait vers un simple village,
Il s’étendait, disparaissait,
Entourant chaumières et cabanes.
L’un escaladait la colline,
L’ autre descendait au fond du vallon
Où le saule donnait de l’ombre,
Où la flûte pleurait son chant
répété par les brises printanières.
Et l’hiver, quand la neige blanche
Nous trouvait réunis autour de l’âtre,
Elle rendait invisible sous ses plis
La route fine de notre vieux village,
Tout comme les prés et les violettes.
* * *
 
Le chemin droit de pierres taillées
Me mène à présent au bord de mer.
Mon cœur se serre néanmoins
D’une pensée brûlante,
Et je m’envole vers ma lointaine enfance.
 
 
…/…
Là-bas l’horizon était clos mais joli,
Paré de belles nuances,
Plein de multiples charmes.
L’innocence folâtrait en chemin,
Faisant des tours et des détours.
L’un escaladait la colline,
L’autre descendait au fond du vallon
Où le saule donnait de l’ombre,
Où la flûte pleurait son chant,
répété par les brises printanières.
* * *
 
Le vaisseau de la vie n’a pas laissé de traces dans son sillage
L’oubli m’a pris toutes choses
Mes anciens rêves disparaissent comme des nuages,
Le souvenir passe aussi comme un chant.
 
   

                                                           Traduction Louise Kiffer
 
 
 
 
      Izmir                                             Roupen VORPERIAN

jeudi 24 novembre 2011

EN ARMENIEN

Pourquoi ne parles-tu pas arménien ?
Moi je tresse des chants pour toi,
Tes sourcils fiers et arqués,
Tu descends des montagnes d'Arménie.

Pourquoi ne parles-tu pas arménien ?
Moi je tresse des chants pour toi,
Toi tu ne comprends pas ma langue
Moi je suis un mal-aimé, étranger à ton âme,
Mais à ta vue, enthousiaste !

Moi je tresse des chants pour toi,
Tes sourcils fiers et arqués,
Tels les cathédrales sublimes des Arméniens
Ton regard tamise la lumière de l'été
Tes yeux enflammés sont d'Arménie;
Tes sourcils fiers et arqués,
Tu descends des montagnes d'Arménie.
Comme notre léger mépris,
Ton regard si naïrien
Ton ravissement tellement arménien
Tu descends des montagnes d'Arménie.
Pourquoi ne parles-tu pas arménien ?

Tu t'envoles de Nork toi ma caille.
C'est Zankou qui t'a chanté une berceuse,
Le Massis te guette sublimement
Pourquoi ne parles-tu pas arménien ?

* (Nork est un quartier d'Erevan)
**( Zankou est une rivière d'Arménie)
 
                                      Naïri ZARIAN (1900-1969)

                                      traduction Louise Kiffer
 
 
 

mercredi 23 novembre 2011

CHANT DE VARTAN

Tout s’est tu :
Les nuages sont venus couvrir
Le ciel, et ont ôté la lune de ma vue.
Je suis resté seul, l’âme troublée,
Les mains sur la poitrine, la tête lourde.

Et depuis, tous les soirs,
J’attends le lever tranquille de la lune,
Et voyant sa face mélancolique
Je songe à l’état misérable de mon pays.

Ah, brille, scintille, lune mélancolique !
Que ton éclat illumine aussi l’Arménien.
Raconte à tous la mort de Vartan
Ou comment fut perdu le trône du peuple arménien,
Ou quel amour sublime éprouvait Vartan
Pour sa patrie : le monde d’ARMENIE 


                                      Raphaël BAGDANIAN (1830-1892)
                                         (pseudonyme : Kamar Katiba)


                                     Traduction Louise Kiffer

lundi 21 novembre 2011

CADEAU D'UNE ROSE

Une tendre âme, le soir,
Ayant appris que je n’avais
Plus rien d’intime,
M’a offert une rose, en automne.

J’ai pris la rose et l’ai portée
-une goutte de larme sous la paupière-
A mon vase d’albâtre
Pour que cesse sa tristesse.

Et voilà que reste en face de moi,
Comme une belle désillusion,
Mon vase paisible
Devenu maintenant un rêve.

Quel soir, toutefois,
Apportera au malade,
Devant le sombre abîme,
Une illusion belle et vaine ?

                                   Madthéos ZARIFIAN  (1894-1924)

                                    Traduction Louise Kiffer

ADIEU

Toi tu pars je ne sais où,
Silencieuse et triste,
Comme un astre doux et pâle

Moi je pars seul, mélancolique
Intempestif
Comme un pétale tombé d'une fleur

Toi, tu pars je ne sais où
Le cœur brisé
Cachant tes pleurs à mon regard.

Moi je pars en silence, sans un murmure
Mais dans mon coeur
Pénètre sans fin la douleur de la mort.

ADIEU (Hrajecht)

Toi tu pars je ne sais où,
Silencieuse et triste,
Comme un astre doux et pâle;

Moi je pars seul, mélancolique
Intempestif
Comme un pétale tombé d'une fleur

Toi, tu pars je ne sais où
Le cœur brisé
Cachant tes pleurs à mon regard.

Moi je pars en silence, sans un murmure
Mais dans mon coeur
Pénètre sans fin la douleur de la mort.

                                    Vahan TERYAN  (1885-1920)
       
                                     Traduction Louise Kiffer

samedi 19 novembre 2011

FAIS-TOI ENTENDRE O GRAND LAC !


Fais-toi entendre, ô grand lac, pourquoi es-tu silencieux.
Un être lamentable, tu ne me souhaites pas cette malchance ?
Levez-vous, zéphyrs, que flottent les vagues !
Mêlez mes larmes à ces ondes !


En Hayastan, dans les passages,
Depuis le début jusqu’à ce jour, je t’en prie, dis-moi
Le pays va-t-il toujours rester ainsi ?
Désert balayé par le vent, parfois jardin de fleurs.


Est-ce que toujours ainsi le peuple pitoyable,
Va être au service d’un seigneur étranger,
Est-ce qu’auprès du siège de Dieu,
Est indigne le Hay et l’enfant du Hay ?


Viendra-t-il, un jour, un temps,
Où l’on verra au sommet du Massis un drapeau,
Et de tous côtés les pèlerins du peuple Hay,
Se diriger vers leur charmante patrie ?


C’est difficile. Seul, ton recteur, là-haut,
Pourra vivifier l’âme arménienne.
Fais naître en elle la lumière de ta science,
Pour qu’en tant qu’êtres doués de raison,
Ils connaissent les pensées de la vie humaine
Et rendent par leurs œuvres gloire à leur maître.


RAFFI Hagop Mélik Hagopian

Traduction Louise Kiffer

vendredi 18 novembre 2011

'ANOUCHABOUR' (Puddding de Noël)

Ah ! si seulement un Père Noël venait
Nous apporter des cadeaux !
Si seulement il donnait, inépuisablement !
Si seulement un arbre s’élevait
De plus en plus haut chaque jour
Sans atteindre le ciel !
Ce que nous appelons la vie,
Ah, si c’était un pudding que nous pourrions manger,
Manger, manger, inépuisablement !



                                                                     ZAHRAD (1924-2007)

                                                                    Traduction Louise Kiffer

L'ENFANT DEVENU ETRANGER

Le cœur inquiet, pauvre et vraiment misérable,
La canne à la main, et très troublé,
Je suis retourné dans mon pays natal
Après avoir été à l'étranger pendant des années.
A cause du lourd fardeau de la vie, j'avais le dos courbé,
Je perdais la tête et j'étais très confus.
Je retournais de nouveau dans ma patrie
Après avoir franchi sept montagnes et sept mers.
A l'entrée du village, j'ai vu mon ami d'enfance,
Mon ami intime; et le cœur plein d'espoir
J'ai couru vers lui et lui ai dit: "alors mon ami, mon cher ami,
Tu ne te souviens plus de moi ?"
Mais j'avais tellement changé! Il ne pouvait pas me reconnaître.
Avec ma démarche la canne à la main, j'ai marché dans le village,
Je suis passé devant la maison de celle que j'aimais et j'ai vu mon amour une rose à la main.
Debout, seule, près de la porte. J'ai dit:
"Oh ! ma sœur, en souvenir de ton beau visage
Suis-je digne de ton salut ?"
Elle non plus ne m'a pas reconnu, j'étais très pauvre et couvert de poussière.
Le cœur troublé, je suis arrivé dans notre maison
Où j'ai vu ma pauvre vieille maman. J'ai dit:
"Mayrig, je suis un passant, veux-tu me donner un abri pour ce soir ?"
Ma précieuse maman se jeta dans mes bras
Et me serra longuement sur son cœur, pleurant sans cesse.
"Oh ! Mon chéri, mon cher étrange fils, est-ce vraiment TOI ? "
 

                                                         Mouchegh ISHKHAN (1913-1990)

                                                         Traduction Louise Kiffer
 
 
 
 
 
1918.
Traduction Louise Kiffer –
Moushégh ISHKHAN (1913-1990)
Outre ses poèmes, ce poète a publié deux romans, inspirés de la vie des
orphelins du génocide:

"Pour le Pain et l'Amour" – Beyrouth 1956
(Krikor Bélédian: "Cinquante ans de littérature arménienne en France" CNRS Ed.) 
 
 
www.nt.am 22/10/07 N° 42, page 13"Pour le Pain et la Lumière" – Beyrouth 1951

jeudi 17 novembre 2011

L'AME ARMENIENNE

 
L’AME ARMENIENNE
 
Ne me demandez pas ce qu’est, où est,
D’où vient l’âme arménienne.
Comme le soleil est au feu
Comme le vert est aux champs
Ah, juste comme cela, elle est partout
L’âme arménienne.
De nos vents, de nos montagnes
Du ruisseau dans nos champs,
Elle est le cri
L’âme arménienne
Du vent de nos champs, elle est la mélodie,
Nos sources sonores, comme des psaumes et des cantiques.
Des lucarnes l’encensoir, et des braseros brûlants,
D’une prière ardente, et comme l’encens vers le ciel,
Elle est la fumée bleue
L’âme arménienne
Ne demandez pas d’où elle vient, ni par quel chemin,
Venue de ce robuste Haïk, le carquois à l’épaule,
Digne beauté,
Elle est venue de l’éclair de l’épée de David,
De nos ancêtres païens,
Des feux flambants des sacrifices, elle est venue à nous,
L’âme arménienne.
Elle est venue du front de nos champs de bataille,
Multitude de javelots, flèches et boucliers blindés de fer,
Hommes casqués et chevaux, assauts, sang.
De ces chemins de sang et de larmes elle est venue,
L’âme arménienne.
Elle est venue de notre histoire victorieuse d’Avaraïr,
Des mille et une coupoles de la joyeuse Ani,
Et des tintements de nos mille cloches,
De l’abondance répandue sur nos terres,
Telle les semences, elle est le cœur vivant
L’âme arménienne
Elle vient à nous par le chemin pierreux des monastères,
Par le chemin fréquenté église-collège.
Par le triste chemin des os de nos pères, par le cimetière.
Elle descend avec le soleil, sur nos champs, sur nos cœurs,
Et à l’Ararat majestueux, inaccessible, elle vient par un chemin secret
L’âme arménienne.
L’âme arménienne est le cri d’amour des jeunes filles et des jeunes gens
Couronne royale, cordon multicolore des mariages.
C’est le chant heureux, tambour et cymbales, sourire d’argent,
Danse des jeunes filles avec douceur.
Des mères arméniennes bonnes et compatissantes, c’est des flacons pleins d’huile sainte
De leurs yeux que s’écoule
L’âme arménienne.
C’est la littérature séculaire de nos aïeux et l’ancienne langue.
De la neige de l’hiver, de la cellule du monastère de Nareg elle est la lumière ;
Recueil de chants d’une écriture vieille, vieille sur parchemin,
Et de Mesrop la tombe et le rêve,
Elle est l’alphabet,
L’âme arménienne.
Elle est notre langue au parfum d’Orient, à la fois corps et âme ;
Elle se partage comme une hostie, une communion et un petit pain.
Elle se partage comme le corps, comme le vin,
Vin et pain de messe,
L’âme arménienne.
C’est cette âme qui émigre, qui se met en route,
Quittant notre ciel et notre terre, et qui trouve
Quelque part un Arménien avec qui discuter.
Il sourit, il s’attriste, et verse des larmes avec lui.
Et il veille à ce qu’aucun Arménien ne se détourne du chemin lumineux,
Ce chemin lumineux de notre âme, qui nous emmène
Vers notre terre et notre ciel.
L’âme arménienne.
Quoi que vous disiez, c’est encore peu,
Qu’est-ce vraiment que l’âme arménienne ? Si vous regardez dans votre coeur
Vous verrez une vieille armée casquée,
Vous trouverez la sagesse et la lumière de nos monastères.
Dans votre cœur vous trouverez,
Cachée dans vos montagnes et vos rochers,
Cachée comme un écho,
L’âme arménienne.
 

                                                                   Traduction Louise Kiffer 
 
 
 
 
                                                        Hamastegh (1895-1966)

dimanche 13 novembre 2011

UN JOUR D' AUTOMNE

Un jour d'automne, au retour de l'école, me voyant revenir
Le cœur brisé, ma mère me demanda doucement :
" Pourquoi es-tu si triste , mon fils ?"

Je n'ai pas su tout de suite comment m'exprimer,
Aussi s'approcha-t-elle encore une fois de moi et me demanda:
"Qu'est-il arrivé, mon cher enfant ?"

Tu sais, maman, le père de mon ami Hovnan est mort,
Lui qui n'a déjà plus sa mère;
Tout ce qui lui reste, c'est une grand'mère.

Ma mère devint vraiment triste en entendant mes paroles,
Elle m'embrassa sur les yeux, me serra dans ses bras, et me dit aussi:
Ne t'inquiète pas, mon cher Ashot,
Ton ami ne restera ni pauvre, ni nu,
Nous essaierons de l'aider autant que possible".

Maintenant tous les matins, en route pour l'école,
Ma mère prépare soigneusement,
Mon panier de déjeuner pour l'école.

Elle met deux portions de petit déjeuner,
Une pour moi et une pour mon ami,
Elle a cousu deux habits neufs,
Un pour moi et un pour mon ami.

Elle achète des jouets pour moi,
Un pour moi et un pour mon ami.
Elle nous accompagne au théâtre,
Mon ami et moi.

Ma mère m'assure toujours,
De sa voix tendre et aimante,
"Qu'il ne sente jamais, tant qu'il vit,
qu'il est un orphelin dans ce monde".

Dans cette grande patrie florissante,
Qui est la sienne,
Qu'au lieu d'avoir un seul enfant,
J'aie le plaisir d'élever encore un autre enfant.

                                                   SARMEN (1901-1984)

                                                   traduction Louise Kiffer








 

PRINTEMPS

Oh ! Comme il souffle, doux et frais,
Le petit vent des matins,
Sur les fleurs en les choyant,
Et les cheveux de la jeune fille délicate.
Mais tu n’es pas le petit vent de ma patrie,
Va-t-en, passe, loin de mon cœur.
Oh ! avec quelle douceur et quelle ardeur
Tu chantes, petit oiseau, à travers les arbres !
Les heures d’amour dans la forêt
Furent charmées par ta voix.

Mais tu n’es pas un oisillon de ma patrie,
Va-t-en, chante hors de mon cœur.
Oh ! quel murmure tu rends,
Rivière limpide et tranquille !
Dans ton miroir pur
Se regardent la rose et la jeune fille.
Mais tu n’es pas la rivière de ma patrie
Va-t-en, coule hors de mon cœur.
Bien que l’oiseau et le vent d’Arménie
Volent au-dessus des ruines,
Bien que la rivière d’Arménie
Rampe, trouble, parmi les cyprès,
Ce sont les soupirs de la patrie,
Qu’ils ne s’éloignent pas de mon cœur !

                            Mgrditch BECHIGTACHLIAN (1828-1868)
                            Traduction Louise Kiffer

AUX ORPHELINS DE CORFOU

O Corfou, dans l’anneau de ton charme,
Tu me tiens et m’emmènes…
O toi, jardin jeté sur les eaux,
Tu berces et berces mon cœur avec le mouvement de tes flots !
O combien t’ont choyée, embrassée, les vagues,
Combien de creux ont-elles faites
Dans tes rives…T’abandonnant à elles,
Comme tu es restée fraîche et propre… !
De tes vallées
Et des flans rocheux de tes collines,
Combien d’oliviers, avec des bras ouverts,
Doux, apaisants, descendent jusqu’à la mer…
Tes orangers épais, ombre parfumée,
Recouvrent les plaines,
Tandis que ton ciel nocturne, si pur,
Est une forêt obscure constellée d’oranges…
Qu’il était bon, Corfou, d’oublier dans tes bras
Présent et passé…
Au-dessous de ton azur, au-dessus de ton azur,
Etre comme un arbrisseau, immobile et léger… !
Mais voici que des yeux anxieux, affligés
S’allument, s’éteignent…
Et moi j’avais oublié que la mer a traîné et apporté
Aussi jusqu’ici un enfer de douleur…
O Corfou, l’anneau de ton charme, soudain,
Je le trouve brisé…
Berceau jeté sur les flots,
Berce, toi, berce les cœurs des enfants arméniens…


                                    Vahan TEKEYAN (1878-1945)
                                    Traduction Louise Kiffer

vendredi 11 novembre 2011

VISION DE MORT

Massacres, massacres, massacres !
Dans les villes natales et hors des villes natales,
Et les barbares saccageant et revenant couverts du sang
Des morts et des agonisants.
Des multitudes de corbeaux passent au-dessus,
Avec des becs pleins de sang et des éclats de rire d’ivrognes….
Un même vent étrangle de rage les mourants ;
Et des convois de femmes sans voix et souffrantes
S’enfuient précipitamment par les larges routes…
Du sein de la nuit s’élève l’odeur du sang
Qui esquisse, avec les arbres, des étangs.
Et de toutes parts, avec terreur, se précipitent, harcelés,
Les troupeaux de bétail à travers les champs de blé incendiés…
Dans les rues, je vois des générations égorgées
Et des foules revenant de carnages indicibles…
Une chaleur tropicale s’élève
Des nobles villes qu’on incendie…
Et sous la neige qui tombe avec le poids du marbre,
La solitude des ruines et des morts a froid.
Oh ! écoutez l’effrayant crissement des corbillards
Sous le poids des cadavres empilés dessus,
Et les prières des hommes endeuillés en larmes !
Ils s’allongent par un sentier vers la fosse commune.
Ecoutez les derniers bruits des agonisants
Accompagnés des coups du vent qui massacre les arbres…
Oh ! ne vous approchez pas, ne vous approchez pas,
Surtout n’approchez pas des cimetières, ni de la mer !
Sur les eaux rouges, je distingue au loin des bateaux
Contenant des morts entassés ;
Et sur les entrailles se tordant de douleur,
M’apparaissent des crânes et des jambes…
Ecoutez, écoutez, écoutez,
Le rugissement de la tempête dans les vagues de la mer !
Massacres, massacres, massacres !
Ecoutez, écoutez, écoutez,
Le hurlement funèbre des chiens terrifiés
Qui m’arrive des vallées et des cimetières.
Oh ! fermez les fenêtres, et aussi vos yeux…
Massacres, massacres, massacres… !
 
 
                                            SIAMANTO- 1878-1915
                                          traduction Louise Kiffer

dimanche 6 novembre 2011

MOTS D’UN ELOIGNEMENT

MOTS  D’UN  ELOIGNEMENT

Il y a tant de feux que j’ai éteints, dans mes yeux
et dans mon âme, désespéré, tant d’astres que j’ai éteints.
Ma vie, devenue  souvenir ; ne maudis pas mon départ au loin,
Ma vie passe et s’éteint, mais il y a mon amour, qui vit encore.

Ma vie passe, s’éteint, comme un feu dans un marécage,
 Sans projet et indécis, inconsolé et désespéré.
Dans mes chants, -le sais-tu ?- personne ne me connaît,
Comme si un autre chantait, la nostalgie bleue de mon âme

Eternellement fermé et muet, je vagabonde et me tais.
Personne, personnne ne sait, ce que peut être ma vie, fière.
Moi seul sais, dans la vie, quels chants j’ai écrits.
Je sais aussi que toi, tu es, Et que quelqu’un t’aime.

Moi, je chante ton âme, ton sourire lumineux,
De tes yeux et  ton visage la tristesse sacrée.
Laissant ma vie infinie, je chante le profond amour
Et le regret de mes bras qui ne t’ont jamais atteinte…

Ah ma sœur, voilà que s’approche mon soir nébuleux
Que puis-je faire pour que mon âme ne tressaille pas de regret,
Comment, comment, puis-je accepter la coupe vidée de ma vie,
Pour que mes mains ne tremblent pas,  que mes jours me pardonnent.

Et soudain j’ai un doute, je ne sais pas moi-même,
Et si c’était une illusion la nostalgie sacrée de ton âme ?…
Quoi que ce soit, sœur, ma sœur, ne maudis pas mon éloignement,
La pauvre nostalgie de mes bras qui jamais ne t’ont atteinte.

                                                      1917
                                                      Yéghiché  TCHARENTS  (1897-1937)
                                                       traduction Louise Kiffer

samedi 5 novembre 2011

C'ETAIT BON !

 (anouch yéghav)

Hé, amis, apportez le vin
Que tout le monde soit content
Nous ne sommes pas tous les jours ensemble,
Pour faire la fête, buvons le vin !

Celui qui a parlé avec crainte et effroi
Celui qui a versé de l'eau dans sa coupe;
Puisqu'on vit, profitons-en
Puisqu'on boit, buvons à notre tour !

Faisons rouler la grosse barrique,
Que le vin rouge pétille !
Celui qui est ivre, ce que nous buvons
Est déjà plein, de bouche en bouche.

 Eh, Tamata*  arrête ton discours,
Si tu es saoûl, va te coucher,
Le vin s'est aigri, le repas a gelé.
"C'était bon" "Bonsoir" !

Celui qui a parlé avec crainte et effroi
Celui qui a versé de l'eau dans sa coupe;
Puisqu'on vit, profitons-en
Puisqu'on boit, buvons à notre tour !
_________________
( Le Tamata est celui qui est chargé de porter les toasts à chaque « santé ».
Il se lève et prononce un vœu ou fait un petit discours tout le long du repas.)

                                                                                  Kévork EMIN (1918-1998)     

                                                                                   Traduction Louise Kiffer  
                                   

vendredi 4 novembre 2011

                 MA MERE


Ma mère est la porte de notre espoir,
Ma mère est la chapelle de notre maison,
Ma mère est notre berceau,
Ma mère est la forteresse de notre maison,
Ma mère est notre père et mère,
Ma mère est notre vassale et notre maître,
Ma mère est la simple de notre maison,
Ma mère est la majestueuse de notre maison,
Ma mère est la sans domicile de notre maison,
Ma mère est notre nid d'aigle,
Ma mère est la servante de notre maison,
Ma mère est la souveraine de notre maison,
Ma mère est le petit de notre maison,
Ma mère est notre pain et notre eau,
Ma mère est l'incapable de notre maison,
Ma mère est notre médicament et notre remède,
Ma mère est la fontaine de notre maison,
Ma mère est notre soeur assoiffée,
Ma mère est l'insomniaque de notre maison,
Ma mère est notre doux sommeil,
Ma mère est la bougie de notre maison,
Ma mère est notre soleil resplendissant.
Ah ! ma mère est la Sis* de notre maison,  
Elle est l’Ararat de notre maison, ma mère,

Ma mère, c'est notre pain, ma mère,
C'est le Dieu de notre maison, ma mère …

                       
(Sis, l’ancienne capitale de l’Arménie)

                                                                  Hovhannès CHIRAZ (1914-1984)

                                                                 Traduction par Louise Kiffer
 

mercredi 2 novembre 2011

ODE D' AMOUR

La nuit est douce, la nuit est délicieuse
Ointe de hashish et embaumée ;
Par le chemin de lumière, moi je passe, ivre
La nuit est douce, la nuit est délicieuse…

Des baisers viennent, du vent et de la mer
Baisers de la lumière qui fleurit de tous côtés
Cette nuit est fériée, un dimanche pour mon âme
Des baisers viennent, du vent et de la mer.

Mais la lumière de mon âme peu à peu s’éteint
Ma lèvre n’a soif que de baiser…
C’est une nuit d’allégresse, de clarté lumineuse,
Mais la lumière de mon âme peu à peu s’affaiblit.


(« Arc-en-Ciel »)                       Missak MEDZARENTS  (1886-1908)

                                                   Traduit de l’arménien par  Louise kiffer